Pour quelles raisons devons-nous nous préserver des réseaux sociaux ?
Les actualités mondiales étant disponibles sur toutes les plateformes, nous n’avons aucune excuse pour ne pas nous tenir informés. Mais trop d’actualités négatives nuisent-elles à notre santé mentale ? Martin Gallagher se penche sur la question.
L’information est une véritable industrie. Pour les médias, les like, partages et réactions sont aussi importants que l’information elle-même.
Mais face à la saturation, la fatigue, l’anxiété et la dépression liées à la surcharge d’informations, est-il temps de dire STOP à la surenchère dans le sensationnalisme ? Martin Gallagher explique pourquoi il s’est fixé des limites sur les réseaux sociaux pour protéger sa santé mentale.
Parfois, nous ne sommes confrontés qu’à des actualités horribles. C’est à la fois le plus grand atout et le plus grand défaut d’Internet : un accès 24 h/24, 7 j/7 à des informations provenant de presque tous les pays, qui se traduisent par un flot ininterrompu d’actualités plus importantes et plus tape-à-l’œil les unes que les autres. L’information n’a jamais été aussi accessible. Il n’y a pas d’excuse ; toute personne qui n’est pas au courant des dernières actualités est qualifiée d’égoïste, d’indifférente ou d’inintelligente.
Même une couverture 24 h/24, 7 j/7 n’est plus suffisante. Nous sommes constamment assaillis de points de vue, d’analyses, d’angles et d’opinions.
Le moindre sujet fait l’objet de discussions sur les réseaux sociaux, de la guerre à la nouvelle tenue d’une célébrité. En quelques clics, nous pouvons lire et être influencés par les opinions d’une multitude de personnes à travers le monde.
En ligne, il suffit de quelques secondes pour trouver quelqu’un qui a une opinion opposée. En un rien de temps, vous vous retrouvez au cœur d’un débat passionné. Les réseaux sociaux ne nous exposent pas seulement à des confrontations, ils les encouragent activement. Sauf, bien sûr, si vous avez réussi à créer une chambre d’écho avec des personnes qui ne remettent pas en question vos points de vue (Les réseaux sociaux forment ce qu’on appelle une « chambre d’écho » : on ne voit que les messages postés par ceux qui pensent comme nous et s’intéressent aux mêmes sujets.).
En parcourant les informations pendant la pandémie, j’ai vu un nouveau terme qui m’a interpellé : la « fatigue informationnelle ».
La COVID-19 et les décès liés ont fait les gros titres à la télévision et dans les journaux pendant deux ans. Alors que cette période touchait à sa fin, nous avons été submergés par les informations concernant l’attaque de la Russie contre l’Ukraine, l’augmentation des cas de violence domestique, ainsi que les enlèvements, les meurtres et les dissimulations commis par ceux qui sont censés nous protéger.
Oui, nous avons besoin de nous tenir informés. Nous ne nous faisons pas d’illusion sur le fait que le monde soit toujours un endroit heureux, sûr et respectueux. Mais mon esprit commençait à être impacté par des mois de matraquage de négativité ininterrompue.
Puis, la cérémonie des Oscars a eu lieu, et je me suis réveillé avec Will Smith, toujours impeccable, qui a giflé Chris Rock à cause d’une mauvaise blague sur sa femme. Les commentaires ont rappelé une série de blagues inappropriées lancées récemment par des humoristes.
Une blague de Jimmy Carr a refait surface – celle sur le massacre des Tsiganes lors de l’Holocauste en présentant cela comme un « côté positif » de la seconde guerre mondiale.
Comme toujours, même lorsque le racisme est enfin dénoncé, les commentaires discriminatoires sur les Gitans demeurent appropriées pour certaines personnes. J’ai vu le racisme augmenter dans les fils de discussion des supporters de Carr.
Peu de temps après, d’autres discussions se sont tournées vers les histoires d’anciennes personnalités, dont beaucoup ont été accusées d’agression sexuelle. Les gens ont commencé à partager des photos, des articles et des enregistrements traumatisants. Et tout cela s’est passé en moins d’une heure !
J’ai fait défiler la page et j’ai vu le reste de mon fil d’actualité rempli d’informations sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie. J’ai commencé à sentir que quelque chose se passait dans mon cerveau. Comme si quelqu’un avait appuyé sur un interrupteur pour l’éteindre, j’ai senti la dépression monter en moi, puis me tirer vers le bas. « À quoi bon travailler aujourd’hui ? », me disait-elle. « À quoi bon travailler quand le monde est si horrible ? ».
On ne peut s'empêcher de penser que la dépression est une conséquence logique qui survient ces jours-là.
Les mauvaises nouvelles ne s’arrêtent jamais. Nous ne pouvons que regarder avec horreur ce qui se passe :
Toutes ces nouvelles négatives m’obligent à regarder dans ma propre vie, et je ne peux m’empêcher de me demander à quel point elles affectent mes proches et moi-même. Mon esprit était envahi de chiffres de décès, de PowerPoint gouvernementaux assemblés à la hâte et de politiques dont j’ignorais presque tout il y a quelques semaines à peine.
À plusieurs reprises, mon esprit a été tellement surchargé que j’étais au bord des larmes. Je n’arrivais pas à intégrer le flot d’actualités. Je ne pouvais pas répondre à toutes les questions de ma famille. Je ne pouvais rien faire et je me sentais impuissant.
J’ai fini par dire « STOP ». J’avais été poussé trop loin, et ma santé mentale en souffrait.
S’il est indispensable de rester informé, il est tout aussi essentiel de prendre du recul et de limiter le temps passé sur les réseaux sociaux et à regarder les informations. Avoir une bonne compréhension de ce qui se passe ne doit pas être une tâche de tous les instants.
Je me suis souvent retrouvé à rafraîchir mon fil d’actualités en boucle pour suivre les informations sur la guerre et voir qui en était responsable. Malheureusement, la responsabilité est rarement assumée, et cela rend le monde un peu plus désagréable lorsque nous sommes témoins d’injustice aussi flagrante. Nous savons tous que la vie n’est pas juste, mais franchement ! Il n’est pas étonnant que nous nous énervions tous si rapidement de nos jours.
Et les réseaux sociaux sont un terrain propice pour le ressentiment, la colère et le défoulement. Les nouvelles ne sont plus seulement des nouvelles ; elles sont conçues pour être aussi sensationnelles que possible. Les présentateurs et les journalistes veulent informer le public, mais ils ont aussi un grand besoin de likes, de commentaires, de réactions et de partages. Saviez-vous que 8 personnes sur 10 lisent un titre, mais pas le reste du texte ? Les médias le savent, et c’est donc le titre le plus dramatique qui l’emporte le plus souvent.
Il est également essentiel de vérifier d’où vous obtenez vos informations. Comme je l’ai déjà mentionné, les comptes de réseaux sociaux « fiables » peuvent en réalité diffuser de fausses nouvelles. Je suis tombé sur des commentaires politiques « impartiaux » en ligne, et je les ai cités à maintes reprises. J’ai découvert par la suite que ces diffuseurs de confiance avaient déformé le contexte, falsifié les données et qu’ils le faisaient avec un objectif bien précis.
Je sais que ce n’est pas exactement de ma faute, mais lorsque je découvre mes erreurs, je ne peux m’empêcher de me sentir coupable. De combien de personnes ai-je involontairement aggravé la santé mentale ? Et pendant combien de jours ? Partager de fausses informations provoque un effet domino : combien de mes abonnés ont partagé le même article ou la même vidéo ? Savent-ils (ou se soucient-ils) que plus tard la preuve a été faite qu’il était biaisé ou erroné ?
J’ai essayé de faire plus attention aux informations que je partage et aux sources que j’utilise, mais c’est quand même un champ de mines. Même les plateformes d’actualités les plus neutres ont leur stratégie ou veulent présenter certains angles plutôt que d’autres. J’ai l’impression que toute action aboutit à un résultat négatif.
Je sais qu’être en permanence dans un état de colère, de frustration et d’anxiété n’est pas sain. Aujourd’hui plus que jamais, nous devons prendre soin de notre santé mentale.
Le monde ne s’arrêtera pas parce que nous ne pouvons pas gérer les mauvaises nouvelles. Nous ne sommes pas non plus à l’abri des tragédies. Un jour, les événements terribles qui se produisent dans un pays lointain pourraient nous arriver.
Cependant, nous pouvons fixer des limites personnelles pour éviter de nous sentir noyés. Depuis des années, nous savons que les réseaux sociaux, les smartphones et la télévision sont liés d’une manière ou d’une autre à l’augmentation de la dépression et de l'anxiété.
Et pourtant, nous passons une grande partie de notre journée à interagir avec eux. En janvier 2022, le temps moyen passé sur les réseaux sociaux était de 2 heures et 27 minutes par jour.
En nous déconnectant des réseaux sociaux, sommes-nous dans le déni de ce qui se passe autour de nous ? Ou bien essayons-nous activement de réparer ce que la COVID-19 et les années de confinement ont fait à notre santé mentale et physique ?
Les enfants nés lors du premier confinement ont aujourd’hui trois ans. Dans quelle mesure ont-ils pu explorer le monde extérieur ? Combien de fois ont-ils vu leurs parents anxieux, distraits et angoissés ? Alors que nous sommes encore beaucoup à travailler à domicile, combien d’entre nous ont eu recours aux écrans pour jouer le rôle de baby-sitters ?
Ce n’est la faute de personne. Mais les experts ont prédit notre obsession pour les écrans il y a longtemps. Nous avons tous convenu qu’il s’agissait d’un problème, mais nous n’avons rien fait pour l’arrêter. Et aujourd’hui, nous critiquons les enfants car ils font une fixation sur les technologies que nous leur avons offertes. Nous ne pouvons pas résoudre la guerre, mais nous pouvons faire quelque chose au sujet de nos relations statiques et compulsives avec la technologie et les réseaux sociaux.
Nous n’occupons que de minuscules espaces dans un monde surpeuplé et en pleine expansion. La détresse et l’inquiétude sont parfois inévitables, mais nous ne trahissons personne en essayant d’être heureux et de nous sentir en sécurité.
COB-FR-NP-00077 – 09/2023